Zig-zag : le couloir

L’histoire commence par un déménagement. En passant d’une maison à un appartement, les armoires à linge, les armoires à reliques, les hommes debout, les psychés et autres meubles de l’ancien temps ne pouvaient plus marquer la mémoire de ce « nouveau trop petit lieu » acquis dans le centre de Bordeaux.

Pierre, armoire à glace qui se faisant la male valise en main ne voulait pas cependant abandonner ce que chacun d’eux y serraient : une multitude d’habits, de libres et reliques : son histoire. Nous étions d’accord, nous allons tout ordonner, ranger, régler dans un seul lieu. Mais lequel ?…
Ce fût lui à l’évidence : ce couloir prétentieux annexé à la chambre qui nous narguait, austère, rectiligne, déplumée, sans histoire.
Sans mot dire, nous avions communément envie de tordre son vide intersidéral de lui imposer des organes vitaux, d’y déposer une partie de l’histoire de Pierre.
Alors, d’une porte à l’autre, slalomant d’une profondeur à l’autre, brisant la ligne droite, d’allongeant et se repliant, s’ouvrant et se fermant le couloir s’est mis à zigzaguer et derrière les portes cachées, à chaque repli plein comme un œuf le labyrinthe des souvenirs de Pierre.